C’est votre texte fort et derangeant. Cela nous est parvenu ils font dix jours via l’adresse mail du journal.

«J’ai viole. Vous violez.

Nous violons» reste le titre. Des les premieres lignes, son auteur, dont nous ne donnerons ici que le prenom, Samuel, un etudiant de 20 annees, reconnait avoir viole le ex-copine, elle-meme a l’origine d’une vague de liberation une parole a Sciences-Po Bordeaux. L’auteur decrit avec exactitude des determinants personnels, culturels et sociaux ayant participe a la commission de son acte. Il ne se justifie pas, ne s’autoflagelle nullement, ne se defausse gui?re, il explique. Et expliquer n’est gui?re excuser. Dire qu’il donne le point de vue du violeur n’est que partiellement vrai. Sa reflexion vise a nous interpeller, a nous bouger d’la zone de confort consistant a considerer que le violeur, le monstre, c’est l’autre. Une condition important mais jamais suffisante pour entrer de facon plus eclairee sur le terrain d’une prevention du viol. Notre force intellectuelle, la fougue de ce texte vont pouvoir aussi susciter le rejet et jouer en sa defaveur. Mais c’est votre fera : il apporte du materiau humain a une question douloureuse, complexe et taboue.

Seulement voila. L’auteur de votre post est aussi l’auteur du crime qu’il avoue de facon circonstanciee. Le diffuser pose une serie de problemes, ethiques, journalistiques et bien sur juridiques. D’abord, il ne va falloir jamais que la parole de l’agresseur invisibilise celle de sa victime. Eva Fonteneau, https://datingmentor.org/fr/tsdating-review/ qui avait cosigne l’enquete dans Sciences-Po Bordeaux, contacte donc Alma, la victime. Le fait qu’il reconnaisse le viol l’a soulagee, apaisee, lui a permis de mettre des mots sur le mal-etre. Elle donne son consentement afin que l’article de le agresseur soit publie. Nous lui demandons de bien prendre le temps de reflechir. L’article qui contextualisera et racontera leur histoire partira de son opinion a elle, pas de celui de Samuel. Des notre premiere conversation telephonique avec ce dernier nous lui rappelons qu’en publiant votre post, il s’expose a des poursuites, le viol etant puni d’une peine pouvant aller jusqu’a vingt annees de reclusion. Il en est conscient, mais nous lui demandons aussi de prendre quelques temps pour y reflechir. Nous lui envoyons un mail lui expliquant que nous allons proceder a l’anonymisation de sa lettre. Mais si «les autorites judiciaires se saisissaient de votre dossier, nous serions pour notre part contraints de respecter la loi qui, en l’espece, nous oblige de leur communiquer votre identite si elle nous etait demandee». Pour Liberation, il n’est jamais moralement defendable d’invoquer le secret des sources dans ce cas precis. Samuel parle alors longuement de sa demarche avec sa famille qui finit via se ranger a son avis. De le cote, Alma, avec qui nous sommes en lien permanent, nous informe que lorsqu’elle va i?tre prete, elle portera plainte.

Matthieu Ecoiffier

«Le mot “viol” est ecrit noir dans blanc»

J’ai viole. Vous violez. Nous violons

Le viol a cette capacite a s’immiscer precisement la ou l’on s’y attend le moins. Ils font un an et demi, j’ai viole Melanie. Le reconnaitre reste certainement aussi important que de l’ecrire. Expliquer les faits, recontextualiser ne est nullement le but de cette lettre. Notre viol que j’ai fera reste si»rement d’une banalite extreme et dangereuse. J’ai singularite d’la situation doit donc etre ignoree. Le viol n’a aucun contexte. Il a des explications tout au plus. Notre discours que je vais tenir est delicat puisqu’il ne va i?tre entendu qu’a travers le prisme que tous a du viol ainsi que celui qui le commet. Notre violeur attise le degout, la haine et la rage. Depuis plusieurs mois, j’aurais probablement deteste le webmaster qui est en train d’ecrire ces mots. Tout ceci reste commun.

Une relation

Ma relation avec i§a etait passionnelle, sans limites ni garde-fou, extreme. Exactement ce que j’aimais. L’intensite qu’elle me procurait me faisait presque oublier mes ri?ves plate et monotone. Si l’un de nous deux proposait de nouvelles bandes blanches a ne point franchir, il etait immediatement moque. Et on aimait ca. L’exclusivite et la complexite de ce duo rendaient vaine toute critique a le egard. Nous construisions l’illusion d’une objectivite qui possi?de invisibilise les pires actes, dont votre viol fera partie. Un «jeu de roles» que je decouvre malsain a pu naitre : celui de celle qui fait semblant de ne pas avoir envie, et de l’autre qui est violent et qui ne l’est jamais trop. Cela fallait bien essayer, bien eprouver, sinon une relation perdait son essence. Les seules limites qu’on decouvrait etaient nos destructions mutuelles, aussi si aucune lecon n’en est tiree.